Le journal

Lorsque le luxe rencontre la frugalité

“Il a toujours existé un luxe plus discret, plus intime, plus à soi...” 

 

Le luxe, c’est évidemment l’abondance, l’opulence et même l’excès. Porter des vêtements de prix, une montre d’un grand horloger, un sac à édition limitée, se déplacer par les moyens les moins accessibles (un jet privé ? un yacht ?) vers des destinations élitistes, aux hôtels d’un niveau de confort inimaginable, ne dîner que dans des restaurants étoilés… couvrir tout d’or (montre, voiture, téléphone, chocolat ou compagne)… Le luxe pourrait bien se résumer à avoir accès à tout ce qu’il y a de plus rare, et non seulement en jouir, mais en jouir sans avoir à compter. On se rappelle les soirées de Gatsby le Magnifique, dans le roman de Fitzgerald, où le champagne coulait à flots dans une demeure immense… ou plus proche de nous le luxe dont s’entoure le héros du film de Martin Scorsese, The Wolf of Wall Street. Pourtant, au-delà ou à côté de ce luxe-excès, il a toujours existé un luxe plus discret, plus intime, plus à soi, plus satisfaisant aussi peut-être. Ce luxe d’avoir accès à d’excellentes tomates, mûries doucement au soleil et cueillies à point… Voyez : la haute gastronomie investit les potagers, cultive la simplicité de quelques produits, retourne au naturel. L’hôtellerie de luxe propose des lodges sans électricité, mais aussi sans piscine, au milieu des déserts ! La mode offre des options non siglées… le luxe se transforme et prend des atours moins galvaudés. « Restons simples », tel pourrait être le leitmotiv de ce luxe-ci : faire moins, mais faire mieux. Et cette idée du simple semble bien s’éclairer quand on a l’impression non seulement de faire ce qui est vrai et bon, mais aussi ce qui est juste : l’amour du produit, du temps, du goût, viennent remplacer l’ostentation et l’accumulation. Derrière une simple truffe (une truffe, tout de même, noblesse oblige), il y a bien l’humidité d’un terroir et la magie de la nature, la patience de l'Homme et de l’animal qui la fouillent, la délicatesse de la dégustation. Quoi de plus luxueux, et tout à la fois quoi de plus simple ? Et même, quoi de plus beau ?  

 

Le nouveau luxe sera frugal 

 

Notre monde – enfin ! – s’insurge contre le gaspillage, la surconsommation, la perte de sens… et le luxe de l’excès s’en trouve transformé. Abandonnant les panoplies du total look, les démonstrations bruyantes de l’excès et de la débauche, une nouvelle éthique du luxe semble bien privilégier la singularité, l’unicité, la valeur de ce qui est rare. À la logique de l’accumulation s’oppose la petite touche. À la logique de la consommation s’oppose une philosophie du dépouillement. Tout un art, et toute une morale aussi : les marques de luxe ont bien une responsabilité dans la course folle du monde. Loin d’encourager la consommation excessive de signes extérieurs de richesse, la production de « gadgets » siglés produits en masse, les marques de luxe ont le désormais devoir d’engager leurs clients vers un luxe de la sobriété, de la frugalité. Si le prix ne pourra jamais être que celui de l’excès, elles ont en retour le devoir de la qualité, de l’exception, de la matière, du savoir-faire, de la durabilité, du plaisir qui satisfait longtemps. Certains de leurs clients se détournent déjà de consommations trop irresponsables, trop dispendieuses de ressources. Pour rester luxe, il revient alors à ces marques de rendre au luxe sa valeur d’exception, de le refonder dans l’émotion, l’humanité, la joie, le plaisir, la durée... Et si ainsi ces marques ne touchaient plus une petite partie de la population de manière répétée et régulière mais plus de personnes pour des achats durables ? Et si chacun était équipé de casseroles Mauviel une fois pour toutes dans sa vie plutôt que d’acheter des casseroles Ikea tous les deux ans ? Et si la responsabilité du monde du luxe était de toucher plus de clients au moins une fois dans leur vie pour que le monde consomme moins ? Le luxe sera frugal ou ne sera pas : pour rester luxe, et ne pas seulement devenir un pur produit de consommation, pour continuer à faire vibrer, le luxe devra entrer en résonnance avec cette marche inéluctable d’un monde qui consommera moins…  

 

“Le luxe se transforme et prend des atours moins galvaudés.” 

 

Les mots pour le dire l FRUGALITÉ Signifiant la vertue d'être économique ; il vient du latin « frugalis », et finalement du « frux », qui signifie fruit. 

 

Fanny Basteau - Le monde des oiseaux

Stratège de marque, experte en techniques et stratégies marketing, elle est aussi une intellectuelle littéraire et plus encore une femme de conviction, habitée par les philosophes antiques, passionnée par les grands mouvements de société et les tendances, désireuse de faire avancer le monde par les détails du quotidien. Avec empathie, elle observe les « oiseaux verts », comme elle aime à les appeler – c'est nous –, et explore avec philosophie et méthode le concept de marque. Elle est de celles capables de vous amener à revoir toutes vos stratégies et aller plus loin. Alors un nouveau monde s’ouvre à vous. 

 

 

You might also like...